Chiara Mulas, « ethno-artiste ». Le rituel comme relecture critique de l’engagement marxiste

Abstract

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Paru dans : Proteus n°19
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Les performances de Chiara Mulas, artiste italienne née en 1972, s’avèrent doublement caractérisées : d’un côté, ses happenings manifestent une action militante orientée contre des problématiques politiques actuelles ; de l’autre, ils réactualisent la culture rituelle de la Sardaigne dont elle est originaire. Son engagement politique ne va donc jamais sans son essentiel corollaire : la défense et la mise au jour du caractère résistant propre au folklore et aux rituels populaires, déjà repéré par Gramsci dans ses Cahiers de prison. L’action rituelle de Chiara Mulas est donc à relire au prisme de l’inflexion décisive qui fut apportée à l’engagement révolutionnaire marxiste par l’anthropologue italien Ernesto De Martino dans ses enquêtes sur les rituels magico-religieux des couches subalternes méridionales : le rituel n’est plus pensé comme reliquat irrationnel mais comme outil culturel de résolution des crises et de reprise d’initiative patiemment construit par des populations défavorisées. Ainsi l’œuvre sarde de Chiara Mulas réactualise-t-elle, également, l’essentielle leçon démartinienne : il n’est pas de transformation de la société, fût-elle d’obédience marxiste, qui ne pourra se passer des strates cruciales de mémoire et des énergies collectives primordiales recelées par les rituels.

Mots-clés : Anthropologie culturelle — Folklore — Marxisme — Italie — Gramsci — De Martino

 

The performances of Chiara Mulas, an Italian artist born in 1972, are doubly characterized: on the one hand, her happenings manifest a militant action oriented against current political issues; on the other hand, they update the ritual of Sardinia where she is born. Her political commitment, therefore, never goes without its essential corollary: the defense of the resistant dimension specific to folklore and popular rituals, already spotted by Gramsci in his Prison Notebooks. Chiara Mulas’s ritualistic actions must therefore be re-read through the prism of the decisive turn that was brought to the revolutionary Marxist commitment by the Italian anthropologist Ernesto De Martino and his work on the magic-religious rituals of the southern poor classes: the ritual is no longer thought of as an irrational residue but as a cultural tool for resolving crises and taking initiative, patiently built by underprivileged populations. Thus, the Sardinian work of Chiara Mulas also updates the essential Demartinian lesson: there is no transformation of society which cannot ignore the crucial layers of memory and the primordial collective energies concealed by rituals.

Keywords : Cultural Anthropology — Folklore — Marxism — Italy — Gramsci — De Martino

Aurel ROTIVAL
Directeur de publication : Bruno Trentini | Parution 2 fois par an | ISSN 2110-557X | © PROTEUS, 2022 | F